CE JARDIN SERA
FERMÉ EN CAS DE TEMPÊTE
Graphoclip contemporain à l'usage des Humains
Il nageait alternativement ► |
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La bourrasque avait été féroce ► |
Penchés l’un vers l’autre ► |
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Elle avait un petit sac rose ► |
Tentant d’envelopper sa progéniture ► |
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Il était très grand ► |
Elle avait l’air résigné ► |
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Vous revoir juste assez ► |
Dans le métropolitain ► |
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Poussée par la circulation ► |
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Les aurais bien peints ► |
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Le capitaine de Château-Loup ► |
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Le Dimanche ► |
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Levant gracieusement les bras ► |
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Sous le narthex de l’église ► |
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Il astique son harmonica ► |
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Comme un essaim d’orage ► |
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Elle n’était ni belle ► |
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Il avait la beauté ► |
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Elle avait une robe longue et ample ► |
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Les croque-morts ne sont plus en noir ► |
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Fous les fous ► |
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Ses mains sont comme des colombes ► |
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Ils ont des costumes fatigués ► |
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Nous avions rendez-vous ► |
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Élisabeth ► |
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La séparation fut un déchirement ► |
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Elle était belle et triste ► |
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Allez-y Angèle ► |
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Le couvreur aux pieds légers ► |
Les beautés sont en beauté ► |
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L’enfant voluptueux ► |
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La vouivre habite en face de chez moi ► |
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Trois cyclistes ► |
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Les jeunes beautés ► |
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Satan a des slips noirs ► |
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L’autobus est plein de petits princes ► |
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Les amantes ► |
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Elle était comme un spectre ► |
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Il est d’une humeur massacrante ► |
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Deux adolescents ► |
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Cet homme bien élevé ► |
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Ils sont plantés là en massif ► |
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Il dort ► |
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Dans la Collégiale d’Ecouis ► |
La putain a les cheveux blancs ► |
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Un homme entre deux âges ► |
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Elle était d’une beauté rare ► |
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Vont et viennent ► |
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La belle avait lascivement ► |
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Cela dura des mois ► |
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Il était comme un juif errant ► |
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Les Dames de Moïana ► |
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Ils ont des gueules d’inquisiteurs ► |
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Rose Reine Bouglione ► |
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Sous la vasque de Mercure ► |
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Vingt-cinq ans après sa mort ► |
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Sous les toits de l’antique Sorbonne ► |
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Il était triste et anxieux ► |
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Bientôt dans chaque encoignure ► |
Elle descendit de son automobile ► |
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Dopés jusqu’à la moelle ► |
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Elle avait la grâce ► |
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Je sus cette fois que je ne le reverrai pas ► |
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Par l’amour de cette femme ► |
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Il était d’une beauté confondante ► |
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De l’autre côté de la table ► |
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Sous l’auvent de l’abri d’autobus ► |
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Elle était d’une beauté souveraine ► |
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Ils étaient comme deux oiseaux ► |
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Elle avait un pied magnifique ► |
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De l’autre côté de la rue ► |
Montent au front ► |
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Il n’était la beauté même ► |
Dans ce café de quartier ► |
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Lui ► |
Elle se jeta dans mes bras ► |
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Elle était comme un bois flotté ► |
Il avait la peau ► |
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Dessous le péristyle de la place Foch ► |
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Ame et souffle du monde ► |
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La douleur avait ce matin là ► |
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Elle s’enveloppa ► |
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Le kiosquier de la Placette ► |
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Harnachée de cabas ► |
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Fernand Léger l’aurait bien peint ► |
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Elle était comme une ancienne reine de beauté ► |
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Il avait les dents sortant vers le devant ► |
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Bien droite ► |
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Assis au milieu de nous ► |
A peine couverte ► |
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Cravate sanglante ► |
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Montée en tête de ligne ► |
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Elle était à l’âge des chagrins ► |
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Mal à l’aise sur la terre ferme ► |
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Sous sa gabardine ordinaire ► |
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S’il avait été ténor à l’Opéra ► |
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Elle l’espérait ► |
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Dans l’arrière-pays ► |
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Les cheveux teints ► |
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Trop grand ► |
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Par tous les pores de sa peau ► |
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Porte de Clignancourt ► |
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Scanner ► |
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Sur le trottoir d’en face ► |
L’aide-soignant de nuit ► |
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Elle avait été belle et fantasque ► |
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Carmin ► |
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Sur le terre plein devant l’église ► |
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Son bras seulement ► |
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Il avait en popeline écossaise ► |
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Sur son pantalon en toile Denim ► |
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Il faisait semblant de lire ► |
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Comme j’étais assise dans le grand fauteuil ► |
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Grand et beau ► (nouveau) | ||
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À suivre impérativement ► |
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Sur le côté et sur le dos Ondulant Louvoyant Bifurquant Changeant brusquement de direction Comme ne le font pas les humains Mais les poissons Et on l’aurait cru tel S’il n’avait régulièrement Sorti la tête de l’eau Pour observer l’encombrement Afin de ne heurter personne En cette piscine Qu’il ne confondait aucunement Avec l’océan
Il n’avait pas l’air féroce Et concentré Qu’ont les amoureux des sports nautiques Forçant certes le respect Mais non l’envie Ni l’arrogance des fils de Neptune Commandant aux eaux A la limite du ridicule
Il s’agissait plutôt d’une symbiose Défiant toutes les catégories Comme les insectes en vol Détournent à leur profit Et contournent ainsi La pesanteur
Ce nageur là Etait la beauté même
Moi-même heureuse En la liquidité Je ne pouvais m’empêcher De le contempler Toute à la fascination De l’absolue altérité
Mais il fallut bientôt Détourner le regard Comme je compris troublée Qu’une fois de plus J’étais en présence du sacré
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Mes beaux enfants Refermaient les grilles de la propriété L’un avait un vêtement Bleu électricité Et l’autre celui de nos vieilles équipées Ils revenaient des haies buissonnières Et portaient dans leurs mains Le produit des ronces fructifères
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Tentant d’envelopper sa progéniture Vigilante vigie Entre ses épaules elle creusait le thorax Pour protéger son petit Ou sa petite De la pluie du vent du froid De la rue aux intempéries Et des passants errants L’enfant se tapissait dans l’habitacle Comme il pouvait Trésor inconscient Mais sur le visage inquiet de la mère Entre les rides déjà On voyait bien Quel miracle il était
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A75 Aire de l’Allier
Des épouses aimantes Qui préfèrent la tranquillité A la sauvegarde d’elle-même
Elle tenait à la main Un petit sac transparent En plastique Avec les ingrédients Du pique-nique
Lui portait D’un air martial Une glacière Bleu Roi
Ils s’installèrent Sur la table en ciment De l’air de stationnement Et en un rien de temps Se remplirent Sans rires ni paroles
Ils fonctionnaient Tout occupés à se tenir en vie
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Un musicien Debout contre le mât Tenait dans les bras Sa contrebasse Comme une belle endormie Une amoureuse lascive Dont il attendait l’éveil A la prochaine station
Mais comme il n’avait pas de temps à perdre En attendant la répétition Il lisait Tenant de son autre main Un livre La tête légèrement inclinée Comme on le fait devant un maître Vénéré
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Lycée Siegfried
La bourrasque avait été féroce Et les feuilles d’automne Rousses et recroquevillées Jonchaient du couloir Le pâle linoléum Et de la salle de classe Le parquet délavé
Le tableau était poignant Comme au théâtre A la fin du drame Le décor De l’adieu las et fervent Des amants Résignés
Sans doute en était il ainsi Car au milieu des débris Reliefs funestes Soufflés par le vent de la cour Et du jour Et des temps Dans le bâtiment déserté A côté des arbres défoliés Mes élèves errants M’attendaient Splendides ignorants
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Comme on en offre aux petites filles Ou aux très jeunes filles Elle portait un costume pimpant Avec un corsage élégant Elle était bien coiffée Et soigneusement maquillée
Mais regardant alternativement Les feux des voitures Les voitures et les feux Elle hésitait même au passage A traverser l’avenue On voyait à cela Que sa jeunesse était lointaine Et on en admirait davantage Son allure
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Et son manteau de laine Noir et épais Lui battant les chevilles Le faisait paraître Plus grand encore
Engoncé dans son écharpe Doublement nouée sous son menton Alors qu’il ne faisait pas froid On comprenait mal Sa tête découverte Et ses cheveux très ras
Son regard d’aigle Etait sans cesse en alerte Et il tournait la tête De-ci de-là
Ce n’était pas quelqu’un d’ici Il n’était pas assez à l’aise Ni même un voisin de l’Est Rêveur et mélancolique Ni non plus quelqu’un d’ailleurs Car il n’était pas exotique
Ce n’était ni un truand ni un policier Bien trop visible pour cela Ni un artiste ni un commerçant Trop agité il n’aurait pas pu s’y tenir Pour un fou il était trop socialisé Et trop contrarié pour un ermite
Il n’était pourtant pas menaçant pour un sou Ni non plus très réconfortant Il était Et c’était bien ainsi Il était Et cela était
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Pour renouer Avec le déchirement
Procéder dans la pénombre de votre vestibule A la cérémonie N’importe comment Puisque maintenant Cela n’a plus d’importance Parce que nous sommes désormais Trop au fait L’un de l’autre Et l’un et l’autre Ensemble De nous-mêmes
Entendre votre voix comme un oukase Et cela en est un Prononcer la locution Bibliothèque Nationale Parce que vous pensez Que ce qui a été Doit être Et non pas effacé
Me donner le seul objet Que vous ne m’ayez jamais donné Depuis quarante ans que je vous fréquente Et fréquenter est bien le mot Puisque à l’origine Il signifie célébrer
Me donner l’objet qui enfant Vous fascinait Et si ce n’est pas celui-là Le même C’est du moins son pareil Celui qui par sa fente Ouvrait au monde entier
Evoquer avec vous la tragédie Qui nous lie Et nous relie Vous par l’absence Et moi dans la re-création Vous entendre inspirer Au-delà de la mesure Pour retenir en vous en propre Vos propres sanglots
Et ensuite Parce que sinon cela ne serait pas Me retrouver seule dans la rue Dehors Avec cette sensation Que je connais si bien Celle d’une irradiation D’abord indolore Avant qu’elle devienne Au fil de la marche et du temps Une chaleur absolue Et une brûlure extrême
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La circulation même de l’air et du vivant Debout à la terrasse Du Canyon Bar Au Centre Ville Dans cette bourgade de garnison Entre la colonnade Et le parking Les pieds dans la conque De ses sandales Inconfortables Et bon marché Voguant de table en table Comme une Vénus Née du souffle de Botticelli Ses fesses généreuses A l’étroit Dans une longue jupe kaki Elle prenait les commandes Sa vaste chevelure blonde Frôlant les clients La poitrine à l’air Débordant de son débardeur noir Plus que moulant On l’aurait cru L’œuvre d’un peintre Tableau retrouvé dans un grenier Un jour de grand déménagement Toile retournée Sans excès de ménagement N’eut été au revers de son épaule Tatouée de feu et d’encre Crachant et rutilant Obscène et éructant Un dragon Les ailes toutes ouvertes Dans le vent
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Les beaux aimants Si peinteresse J’avais su peinturlurer
Les aurais bien peints Lui l’homme A la chemise fauve Or et écarlate Et elle la femme A la robe à fleurs Fleurement fleurie
Les aurais bien peints Les beaux aimants Si peinteresse J’avais su peinturlurer
Mais las Ne l’a pas voulu Jalouse L’amère Divinité
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Dort tout seul au fond d’un trou Sous des mètres de terre Et de nuages
Il est parti rejoindre Les ossements incertains Des ancêtres certains
Les lettrés penchés sur leurs grimoires Les funambules en abîme sur le vide Les dandys épuisés d’avoir trop rusé Et les enfants effrayés De s’aventurer seuls Dans l’éternité
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Les footballeurs S’en vont foutant Les couples S’en vont flirtant Et les vieillards S’en vont peinant
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Au dessus d’elle Elle tirait vers elle les volets La tête tournée en arrière Pour répondre à son enfant Qu’elle couchait Comme la fin du jour s’annonçait
Passant dans le couloir Je vis la scène On aurait dit le tableau d’un grand maître
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Au Monastère
Devisent les saintes femmes Elles évoquent Les provisions de pain Et les soins à donner Au père abbé Infirme et vieillissant
Sous le narthex de l’église Les saintes femmes Ne sont pas si saintes L’aînée partie La plus jeune allume une cigarette Son sac à dos ficelé à son côté Et rêve En buvant son café
Sous le narthex de l’église Bascule la vie d’une sainte femme En religion bientôt Elle sera sœur Marie
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Comme un tueur son flingue Un prisonnier son chibre Un amoureux ses mots
Il astique son harmonica Mais il n’en joue pas
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La menace
Ils étaient là Jeunes Dans les couloirs Abeilles bourdonnantes Guêpes fétides Frelons menaçants Djinns Métalliques et apocalyptiques Entourant Harcelant Insultant Le visage pâle errant Le poursuivant Le chahutant Le molestant Léchant avidement Ses suintements Et d’angoisse et d’horreur Butinant sa peur Absorbant Goulûment Les écoulements puants De l’humiliation et de la compromission Pour en faire un jour Le miel De leur insurrection
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Ni laide Royale quand même La peau sombre La chevelure plus noire encore Venant sans doute d’un lieu Dont on était sans nouvelles Une de ces îles Où on concassait encore la tête Aux prisonniers Avec des massues sculptées Qu’on s’arrachait ici Chez les marchands spécialisés
Elle n’était ni belle Ni laide Royale quand même La tête engoncée Dans un chandail grège Très ordinaire Une longue jupe En toile épaisse et bleuâtre La couvrant jusqu’aux pieds Serrant contre elle Des sacs en plastique Tout pleins Du strict nécessaire
Elle n’était ni belle Ni laide Royale quand même Avec dans le regard Un je ne sais quoi D’exilé Qu’on aurait dit D’écumes et de vagues Si elle n’avait pas Sur la banquette d’autobus De la ligne Petite Ceinture Eté si carrément Callée
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Sombre et ténébreuse Des héros romantiques
La chemise blanche Ouverte sur son poitrail de fauve Son manteau noir épais Répandu Abandonné au monde Le pantalon rayé Comme en portent au théâtre Les dandys Chez Musset et Hugo
La barbe très noire elle aussi Sous des cheveux assortis Ses yeux à l’avenant Jetant des étincelles
Sur le siège Il occupait deux places Non par défi Ou par laisser-aller Mais pour être plus à l’aise Pour rêver Ce qu’il faisait intensément Propageant à la ronde Un analogue songe
Il avait fière allure En tous points parfait Jusqu’au châle tricoté Gris perle Un peu vieillot Comme on en voyait Dans ma jeunesse Chez les vieilles
Il avait dû lui être donné Par une femme Négligemment noué D’une façon savante Afin de laisser voir Les poils de son thorax
Il l’arborait ostensiblement
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Elle avait une robe longue et ample En velours noir Comme en ont sur la scène des théâtres Les vierges Qui n’ont pas trouvé preneurs
Elle avait carré sa majestueuse pesanteur Sur le haut d’un haut tabouret Et accoudée en face de moi De l’autre côté de l’établi Travaillait de la terre bleue Un peu plus claire que la mienne
Nous faisions barbotine commune
Elle racontait de ses neveux et de ses nièces Les menus faits de leurs vies quotidiennes Et on faisait l’effort de l’écouter Parce qu’elle était touchante Dans sa simplicité
Autrefois on l’aurait dit simplette
Mais dans cet atelier minuscule Au sous-sol d’un hôtel particulier Où se mêlaient les mains et les rêves Les cœurs ne pouvaient pas Longtemps s’ignorer Car c’étaient eux Qui impulsaient les formes
Et dans cet art de la céramique Dans lequel je n’étais plus une débutante Mais pas encore tout à fait assurée Elle était depuis longtemps Une vieille routière Plus que chevronnée
Comme je me colletais Courageusement Avec une grande idole Dont je voyais jaillir Entre mes doigts Envers et contre moi Le corps tourmenté Elle peaufinait à l’aise L’anse d’une saucière Alambiquée
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Cimetière de Soissons
Les croque-morts ne sont plus en noir Mais en bleu pétrole C’est la Révolution Cybernétique Tout fond Tout glisse Tout lisse
Les croque-morts ne sont plus en noir Mais en gris informatique C’est la modernisation Attention
Un signe de trop Et fragile La mort s’éclipse Laissant les chairs désorientées S’égarer Dans les cieux désertés
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En sarabande Se suivant Avançant Ou reculant En s’aimant Se haïssant Se pinçant Se caressant
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La Causeuse
Ses mains sont comme des colombes Qui s’agitent et s’envolent Reviennent et virevoltent Dans un sens et dans l’autre Montrent traversent et tournoient Versent et se renversent Quêtant affolées les moyens d’habiter Les failles quadrillées de l’espace illimité
Ses longues boucles d’oreilles De nacre et de métal Descendant bien bas Sur son pull-over noir Austère et secret Contrepoint rengainé De son visage figé
Mais les doigts volatiles Nuage diaphane de paroles digitales Démentent pathétiquement Cette volonté sévère De maintenir coûte que coûte Quoi qu’il en coûte Le plus dur Des ordonnancements
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Colloque
Et des calvities plutôt sévères Des sacoches patinées Et des lunettes esthétiques Hiératiques Ils ont les corps délacés Et des idées à vérifier Professeurs patentés Serviteurs installés De Notre Très Sainte Mère L’Université
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Au lieu-dit A l’heure dite
Je la vis venir de loin Raide et froide Mais j’en avais l’habitude Ses lunettes de soleil Durcissant encore Un faciès Déjà dur Désormais devenu avec l’âge Presque un masque
Je ne m’arrêtais pas A si peu Toute à mon affection Vieille de plus de quarante ans
Je lui fis un petit signe Auquel elle ne répondit pas Je ne m’en offusquai pas Grande fille maintenant Il en était bien temps
Comme elle traversait la rue Je m’avançai vers elle Et lançai quand elle passa à ma hauteur Un joyeux Salut ma belle Auquel elle ne répondit pas
Je la regardai médusée Continuer son chemin Comme si je n’existais pas
Vaguement soupçonneuse Je scrutai le bas de son visage Et son regard Derrière les lunettes
Ce n’était pas elle
J’éclatai de rire Cueillant sur un visage anonyme Un sourire complice Et réjoui
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Tête baissée Fonce au lycée Pas pressé Habillée Pomponnée Verrouillée
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Taxi
La séparation fut un déchirement
Il avait l’air d’un chauffeur de taxi Et moi d’une cliente arrivée à bon port C’était tout à fait cela Mais pas du tout cela
Il m’avait quatre années durant En Ile de France Compteur tournant Emmenée entre routes et champs Jusqu’à un lieu somptueux Et retiré Visiter des corps souffrants Qui m’étaient toujours chers Ceux de mes géniteurs Qu’en dépit des difficultés Je n’avais pas abandonnés Ni même relégués
Il avait partagé avec moi La tension de l’aller Et le soulagement du retour Puis l’habitude aidant Plus que la tension Le soulagement Mais aussi L’absence d’amertume Face aux liens brisés Ou pire Ceux qui ne s’étaient jamais noués Déni de filiation Défaut de la cuirasse N’empêchant pas Le rire Et la sérénité Et ce Par tous les temps
Il connaissait le chemin par cœur Et je me laissais conduire Sans plus rien indiquer Comme le trajet était long Et que nous le faisions souvent La conversation s’était étoffée Et nous nous étions découverts Tous les deux Enfants perdus et déclassés Par l’implacable air du temps Lui conduisant des clients Dans sa presque limousine Et moi surveillant un bagne Dont j’étais submergée Tous les deux Traversant avec constance La quotidienne mort Pour résister encore
Il était d’une beauté suprême Et dans cet univers païen Mars et Venus avaient fait le reste
Las C’était maintenant la fin Il s’arrêtait L’âge venu Licence vendue Et partait vers d’autres cieux Où on ne se verrait plus
Je payais le prix Qu’on avait Par jeu Grand seigneur de part et d’autre Fixé toujours à cent euros Gagnant à tour de rôle L’un contre l’autre Et ensemble Sur les contingences De la réalité Qui n’était pas parvenue A nous broyer
Lui à son volant Et moi devant la porte Lui comme un chauffeur de taxi Partant vers d’autres courses Et moi comme une cliente arrivée à bon port Nous nous fîmes un geste de la main Pas seulement l’au revoir des enfants Ou l’à bientôt des amis Mais l’adieu bouleversant Des presque amants
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Dans ce café discret Son béret orange bien droit Sur sa face placide Elle m’émut dans les tréfonds de l’être Juste avant que je découvre A quel point je l’aimais
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Eté studieux
A Palavas-Les-Flots
Je pense à vous mes angelots A Palavas Sur le sable Et les flots
Je pense à vous mes angelots A Palavas-Les-Flots Sur la vague A Palavas Le sable Et l’eau
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Porte de Champerret
Dit la patronne A l’employée Plus âgée qu’elle Chez Léonidas Avenue de Villiers C’est Noël Et chocolat Les boîtes débitent Au dessus du tiroir-caisse Qui cliquette La queue s’allonge Sur le trottoir On se presse On s’oppresse Allez-y Angèle Dit la patronne Pour accélérer le mouvement Et éviter l’engorgement
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Pays de Bray
Vole de toit en toit Ardoise Ma mie Ne glisse pas de mes doigts Mais mets toi là Et tiens-toi
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Exsudant toute leur féminité Parées de leurs plus beaux atours Elles ont sorti tous leurs appâts A l’entour
Elles sont au bras de compagnons Amants braves et sereins Danseurs dignes dans leurs vestes Valse musette accordéon De pontons en guinguettes A Joinville le Pont
Les beautés sont en beauté C’est Dimanche au bord de la Marne On va chez Gégène Ou Au Petit Robinson
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Vezins du Levézou
Caresse la colonne Du lit à baldaquin Main sur bois Doigt sur cire Rêve sur rêve
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Vis à vis
La vouivre habite en face de chez moi De l’autre côté de la rue Au premier étage Dans un immeuble très bourgeois
Au dessus de sa jardinière De géraniums prolifiques Les capucines grimpantes grimpent Arborant tous leurs jaunes Oranges Beiges jaunasses et orangés
Le chèvrefeuille occupe Comme il peut Tout le reste de l’embrasure
Coulant à flots Au dessus de la grande porte cochère Son installation végétale Force en tous points l’admiration
Dès qu’il pleut Elle ouvre sa fenêtre Et s’accoude Batracienne éperdue Gonflant sa gorge Au fluide vital
Je fais de même Et nous nous sourions
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Sont passés Parlaient de Cap Horn Et de vent assassin
Trois cyclistes Sont passés Fronts baissés Cœurs fermés
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Séminaire
Ont le visage fatigué C’est la fin de l’année Les jeunes beautés Ont les traits tirés
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Au nom des couturiers Le tissu collant Tient ses génitoires bien serrés Il ne s’agirait pas Que sa semence s’éparpille Et tombe dans des lieux Où le malheur ne germerait pas
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Beaux Quartiers
L’autobus est plein de petits princes Sortis à quatre heures Du Parc Monceau Et montés Dans le quatre-vingt-quatre A l’arrêt Murillo
Ils sont blancs Dans leurs costumes Uniformément Leurs costumes Bleu marine Pareillement Accompagnés de leurs nurses Etudiante désargentée Asiate dépaysée Toutes également Discrètes Efficaces Et stylées
Ils tiennent à la main Les gros goûters Qu’on vient juste De leur apporter
Ils parlent sans faute Et rient sans éclats N’occupent pas toutes les places Et se saluent gentiment En se quittant
L’autobus est plein de petits princes Charmants et babillant Qui se retrouveront Main dans la main Le lendemain
Leur école est un hôtel particulier Et à la récréation Ils jouent dans les allées
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Tendent leurs visages avides Vers les aimés Qui se reculent Distants Et prévenants
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Joliment arrangé Toute son énergie consacrée A offrir à autrui Un pourtour savamment agencé
Elle attaqua mon physique Et ma pensée Pas mon œuvre tout de même Car elle savait cela sans retour Piétinant Tout ce qu’elle pouvait piétiner
Elle était comme un spectre Joliment arrangé Destituant d’une phrase Chacune des miennes Tirant sur tout ce qui vivait Aimait Bougeait Ou simplement respirait
J’abrégeai la rencontre Qui ne pouvait avoir lieu Elle était comme un spectre Joliment arrangé
En un peu plus toxique
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Il est d’une humeur massacrante Il va me massacrer
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Avenue Niel
A l’arrêt d’autobus S’efforçaient de s’aimer Comme les Grands
Elle avait un look d’enfer Avec un chapeau de paille Digne au théâtre D’une représentation D’Un mois à la campagne
Lui La peau mate Avec des boucles sombres S’était modernisé D’un collier en terre cuite
Ils s’appliquaient ce matin là A garder Dans le soleil levant La bonne distance N’étant ni trop proches Ni trop lointains Et tentant Comme on le voit dans les téléfilms D’entrecroiser en gros plans Leurs répliques Sans chevauchement
Mais la pesanteur charnelle Qui les poussait l’un vers l’autre Rendait difficile Un jour d’été Cet exercice par trop raisonnable
Le flot aqueux Qui les parcourait souterrain Irriguait la rue Tout à l’en tour
Moi qui aurais pu Etre leur grand-mère à tous les deux Les surplombant Depuis l’autobus stationné J’en fus toute ressourcée
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A l’air exaspéré Délivre son épouse D’un vêtement cintré Rigide et encombrant
Chevalier servant D’une femme servie A si bien faire semblant Il en est émouvant
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Sur le rond-point bombé Comme les fleurs cultivées Par leurs jardiniers Sur le parterre du carrefour Aménagé tout au bord De l’Aéroport Du Bourget Ouvrant tout grand Leurs corolles Au vent nouveau de la technique Spectateurs clandestins Du Salon de l’Aéronautique Scrutant par-dessus le grillage En fraude et en extase La prouesse électronique L’extrême vol métallique Des grands oiseaux Tout blancs
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Plein de songes et de mort Devant l’écran bleuté Cathodique et maléfique La guerre fait rage La terre est dévastée Dedans le grand fauteuil Il rêve Catholique Désaffecté
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Cette année là On mariait Petit Cousin
Entre boiseries et chapeaux Les bouquets embaumaient Et les cierges illuminaient
La gorge commune recueillie Modulait cantiques et psalmodies En lentes vibrations Sous la voûte Le chant ecclésial s’élevait Tournoyant sous les briques et les pierres Entre le Vexin normand et français
Perché sur la rosace Contre le bleu céleste Un oiseau en mesure L’accompagnait
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Distique de la rue
La putain a les cheveux blancs La putain à cheveux teints
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Et une chienne sur le retour Ne vivaient plus Que l’un par l’autre Ne vivaient plus Que l’un à l’autre
Elle suiveuse suave Suivante et suante Dégoulinante D’aimance affective Lui la repoussant Sans haine affectée Comme une serviette mouillée En attendant Qu’elle ait séché
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Visage de porcelaine Cheveux de jais noirs Assourdis encore par une teinture sombre De grands yeux bleus Qu’aurait aimés Matisse Ou Picasso Une bouche rouge Repeinte à l’écarlate Emergeant d’une robe à résille A damner les poètes
Je la contemplai longuement Dans le silence Des heures durant Rêvant à l’œuvre qui en naîtrait
Las Au déjeuner Elle s’adonna A la violence Et à la méchanceté
Bouleversée Ma création avorta
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Ames en peine Têtes baissées Humiliés
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Remonté les volets Et ouvert sa fenêtre Pour apparaître Encore un peu ensommeillée Dans la lumière blanche De la cour
Elle arborait un peignoir Comme on en voit Dans les journaux de mode Plus fait pour se montrer Que s’activer
Elle se mouvait lentement Peu pressée d’aborder Les difficultés de la journée Lesquelles ne pouvaient être Etant données sa maîtrise Et son allure Que des désagréments
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Quelques années Ils se retrouvaient le matin Dans l’autobus de sept heures trente Tous les jours ouvrables Les jours ouverts Les jours ouvrés
Il l’attendait à l’arrêt Debout au bord du rebord Du Boulevard de Courcelles Comme elle venait de bien plus loin De la Place des Ternes Ou encore de plus haut De la colline du Trocadéro
Comme le véhicule ralentissait A l’annonce de la rencontre Sous la tente de l’attente Elle scrutait le trottoir Souriant dès qu’elle l’apercevait Sûre de son bonheur Et de son pouvoir
Lui montant radieux Illuminait à lui seul tout le couloir N’ayant d’yeux que pour elle Il se jetait sur la banquette Vide à cette heure là Et assis en face d’elle Penché Courbé Lui baisait les mains Fervent Eperdu S’attardant sur elles Comme si le sort du monde en dépendait
Et pour lui au moins c’était sûr Il en dépendait Car tous les jours il recommençait
Et ensuite Mais ensuite seulement Un moment après En se redressant Il l’embrassait sur les deux joues Comme une amie Comme une femme Comme une maîtresse Après qu’il eut Dans les cieux entrouverts Vénéré la déesse
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Boulevard Serrurier
Ne se sentant plus ni juif Ni errant S’accrochant à deux mains A la canne Qu’il tenait devant lui En avant Loin du sol Le regard éperdu Perdu Dans le vague Dans la brume Dans le froid La froidure La solitude Et l’angoisse du monde Incréé
Il était accompagné D’une femme D’une fille Une nièce Une amante En tous cas une amoureuse candide Qui légèrement inclinée contre lui Le convoyait muette Le poussant dans la bonne direction Bouvière résignée Témoin d’humanité
Il était comme un juif errant S’avançant hagard S’accrochant à deux mains A la canne Qu’il brandissait devant lui Comme un sésame Pour fracturer la nuit
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Arpentent les couloirs La peur aux seins L’angoisse au ventre Ne font mine de rien Mais ne pensent qu’à cela
Elles attendent les prélèvements Quêtant les résultats Scrutent les écrans Détournant le regard D’un air indifférent Pour trouver en elles-mêmes Réconfort et bien-être Pour le cas échéant Affronter La nouvelle
Cachant leur tragédie Dessous cet euphémisme Les Dames de Moïana C’est ainsi qu’on les nomme Hantent l’hôpital Du Pavillon de Jour Au bâtiment axial
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Ils ont des gueules d’inquisiteurs Pleins de haine et de méchanceté S’apprêtant à torturer Non par plaisir Mais par nécessité
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Fait ses débuts de contorsionniste Sous l’épais chapiteau rouge De toile rouge D’un cirque de poche itinérant Errant Entre les terrains vagues de la ville Coincé cette fois Entre les boulevards des Maréchaux Et le Périphérique
Sale et miséreux Le lieu fait peine à voir
Elle a six ou sept ans Rose Reine dans son costume Lie de vin Deux pièces à sa taille Vêture minimum et même Presque un peu moins En dépit de la bordure de dentelle Qui ne cache rien De ce très jeune corps extrême Tout de beauté et de flexibilité
Sa compétence et sa technique Son enthousiasme encore bien plus Forcent tellement le respect Que face à ce prodige Volant et voletant au trapèze Au-dessus d’un impérial tapis Aux couleurs pâles et suaves On détourne les yeux Mais non pas les oreilles Car les cris de sa famille Nombreuse et chamarrée L’encouragent sauvagement Et se frayent un chemin A travers le monde clos des spectateurs Installés sur les banquettes De bois
On pense à l’imposant Cirque d’Hiver A la polychromie tenace Que dirige sa parentèle d’oncles Et à tous ses ancêtres Les arrière ceci et les arrière cela Depuis le premier montreur d’ours Jusqu’aux spots électroniques Et aux tigres blancs Retenus par de hautes cages
Rose Reine Bouglione Fait ses débuts de contorsionniste Au cirque Romanès Et ne se demande pas encore pourquoi Son père à elle En homme libre A renoncé un jour Au confort Et à la sécurité Choisissant sans lui demander son avis De l’entraîner avec lui A la poursuite du vent
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Villa Médicis
Agenouillée dans la matrice du jardin Elle regarde derrière la grille Le corridor obscur du jardin Donnant sur le pavement du vestibule Les grandes lèvres des portes S’entrouvrent sur le cloaque de la ville Mais elle ne veut pas quitter le corps de pierre Car elle ne sait comment dire Au nom du manque
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J’appris qu’il avait été pêcheur A la barque et à l’épervier Sur la rivière en contrebas Entre les flots du Tarn Coulant de vignes en amandiers
C’était donc cela Le cœur de sa sereine gravité Qui tant de fois M’avait tant de jours et tant de fois Attirée tant de fois Chez ce célibataire taiseux Comme j’étais moi-même Encore jeune et toujours enflammée
Une génération nous séparait Mais dans le haut de ce haut village Entre les grottes et les oiseaux Dans le cœur du creux du rocher Des deux côtés du même mur Lourd et irrégulier De toutes les pierres ocres et rosées Qu’en ce lieu depuis longtemps sédimenté La terre aride avait secrétées Nous nous aimions D’un amour singulier
Et pourtant Je le connaissais à peine Sauf de temps à autre Au gargouillement de son évier Car servitude des lieux L’eau à découvert En coulait dans ma cour Pas même mitoyenne La quantité d’un seau à peine Qu’il allait chaque jour Chercher à la fontaine Pour lui-même et sa mule Dont je guettais pour me rendre à moi-même Le bruit sourd du sabot Frappant hiératique Le sol meuble de son écurie Horloge chaotique A ponctuer le temps
Lui ne m’entendait pas C’est ce qu’il me dit un jour Au cours d’un long et unique discours Dans lequel il m’expliqua prolixe Mystère préhistorique Tout le bien qu’il pensait de moi
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Sous les toits de l’antique Sorbonne La Vieille Comme on la désigne maintenant Pour la différencier de ses excroissances Nombreuses et variées Fragmentées Disséminées Dans le quartier ou ailleurs A côté ou plus loin Fleurissent les vasistas Les chiens assis Les stores rayés Les portes en bois Les vitres à petits carreaux Les gouttières et les frontons sculptés Les urnes de guirlandes ornementales Les oeils de bœuf monumentaux Dont on s’étonne de les voir placés si haut A contempler le ciel Les échelles grimpant raides contre les cheminées Les balustrades de fonte ou de pierre Et les toitures en zinc Camaïeu de gris sur les briques empilées Sous les ardoises alignées On ne voit pas les tuiles qui détonneraient Sous le paratonnerre arrogant Singulier Comme le pavillon provoquant D’un fort encore tout prêt A engager l’ultime combat
Sous les toits de l’antique Sorbonne La Vieille Comme on la désigne maintenant Entre pavé et oiseaux Le Séminaire rêve.
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Acupuncture
Tout seul dans le vaste appartement Où d’habitude ils étaient quatre A exercer leur ministère La secrétaire elle-même Ce jour là N’était pas là Et les écrans d’accueil Obstinément obscurs
La déréliction suintant de partout Et je me refusais à croire Qu’il n’était venu que pour moi
Il procéda aux gestes professionnels S’efforçant d’officier Entre son tensiomètre Et ses aiguilles
Il renouvela la liste des médicaments Ajoutant à ma demande Pour mes lèvres Un baume contre les gerçures
Les mots retenus gonflaient le silence Et pour colmater la digue qui menaçait de se rompre Je verbalisai pour deux L’horreur du monde Et la froideur de la saison
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Bientôt dans chaque encoignure Sous chaque abri Une masse agglomérée de cellules Et de chairs vivantes De sacs informes Et de paquets résignés Terrorisés
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La vétérinaire
Elle descendit de son automobile Un flacon à la main Les glissières de sa salopette Entrouvertes Elle parla de la beauté du mois de Juin Des herbes hautes Et des champs pas encore moissonnés Sans doute la seringue Etait-elle dans sa boîte Tout au fond de sa poche Car comme l’éleveur Disant C’est par ici Lui indiquait au-delà du portail Le chemin du bétail Pour honorer le rendez-vous vaccinal Elle répondit simplement Je vous suis
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Tour de France 2009
Les oreilles bouchées par les oreillettes Pour recevoir les ordres des managers Et les exécuter sans barguigner Machines pédalant machinalement Sur leur autre machine A chaîne et à roues A roues et à chaîne A roue A roue Faisant corps Au milieu des publicités Des maillots Des casquettes Des banderoles Les hommes sandwiches cybernétiques Atteignant le haut du Mont Ventoux S’élancent un à un vers le ciel
La foule en extase les acclame Car c’est bien cela qu’elle vient voir L’animal s’arrachant aux fourrés Aux haies et aux vallées Pour sans états d’âme Muter en fusée.
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Qu’on voit aux ballerines Sur les scènes des théâtres nationaux Son jean et son tee-shirt Lui servant de tutu Ses ailes déployées Ouvertes à tout venant Montrant qu’envoyée chez les Humains Elle n’en demeurait pas moins La messagère des dieux Exposant à la terrasse du restaurant Sa beauté surhumaine Elle circulait de table en table Pour y déposer un à un Les petits paniers bien rangés Arrangés Alignés A intervalles réguliers Suspendus par leur anse Dessus ses avant-bras Habitacles de métal Contenant moutarde sel et poivrier Comme au matin de Pâques A la messe Les œufs sacrés
Impossible de le nier On avait bien affaire A une serveuse stylée Au restaurant sous les arcades Elle était employée Et illuminait à elle seule Cet été là Toute la place du Marché
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Je sus cette fois que je ne le reverrai pas
Il était comme un fou Au milieu Coulant de lui Des reliefs de sa vie Assis devant sa table de nuit renversée Celle de son enfance me dit il Qu’il s’efforçait en bibliothèque De transformer Utilisant la porte démontée Pour cacher le Minitel Auquel il pensait que ressemblaient désormais Les ordinateurs Dont il avait entendu parler
Il avait derrière lui une lampe vulgaire Singeant le bon goût de la préciosité Il m’en vanta la beauté
Il disait n’importe quoi Que je m’efforçais d’interpréter au mieux Lui donnant la réplique Comme aux beaux jours d’autrefois Le cœur y était bien Mais l’esprit se dérobait Le sien fuyant sans cesse Et le mien s’inquiétant
C’était peine perdue Il sautait d’une idée à l’autre Incapable de les relier Et encore moins de les articuler
Dans cet automne splendide Pareil à l’été triomphant Mon amour à la peine se résignait déjà Ses mèches blanches Qui m’avaient tant séduite Annonçaient bien l’hiver Il neigeait déjà dans sa vie finissante La chaleur de nos paroles N’était pas suffisante pour renverser Le cours du temps
Le séjour amiotique Qui m’avait là Moi la mal née regestée Pour un ici Ailleurs tout autrement Etait désormais dissipé Ravagé
Au loin sur la ligne d’horizon La barque du passeur Apparaissait déjà Et la rame de Charon Régulière Clapotait Obstinée
Il était comme un vieux fou Disant n’importe quoi Et que je ne le reverrai pas Je le sus cette fois là
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D’un certain âge pourtant certain Son ancienne et toujours belle Compagne Lui petite moustache sur teint cireux Résolument coiffé à l’embusqué Echappait Mains dans les poches A l’amertume et au chagrin
Elle Impeccable sous son chignon blanc Bien tiré Maquillée juste assez pour l’heure Et la nécessité Avait pour lui Des gestes de tendresse Qu’il subissait avec tranquillité Sinon avec plaisir Comme un maître Habitué aux excès d’une vieille chienne Qu’on a depuis longtemps Renoncé à corriger
Elle veillait à son bien être Comme elle l’avait toujours fait Bien avant qu’ils ne deviennent Là debout devant le banc Attendant l’autobus Commentant sans inquiétude Ni générosité Tous ceux qui passaient Côte à côte Désormais Pour le meilleur et pour le pire Ces vieux amants
On voyait bien Qu’ils en avaient vu d’autres Et que rien ne pouvait les ébranler Ni les intimider
Mais pensant à la guerre Depuis longtemps terminée On ne pouvait rétroactivement S’empêcher de frissonner
(A l’arrêt du 43 Gare du Nord)
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Il était d’une beauté confondante
Auprès de lui Les anges accompagnant Mozart Seraient passés inaperçus
Sa mère l’avait hissé Sur le siège le plus haut Et comme un roi sur son trône Chef de l’autobus Il contemplait son peuple voyageur
Il était d’une beauté confondante Sa face ronde illuminée Ornée au rebord de la vraie fourrure D’un anorak de luxe Solide et bien coupé Distingué Ses boucles de cheveux blonds Rayonnant à la ronde Comme un petit soleil
Accoutrés de plumes et de dentelles Les anges accompagnant Mozart Auraient auprès de lui Semblés de pauvres hères
Agé de quatre ou cinq ans Tous les regards braqués sur lui Assis dans l’autobus Il agitait comme un hochet Une console électronique
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De tempête en rivage Ma voisine céramique Œuvre comme la mer Ses vagues roulant vers la terre Un chaos ordonné De bustes et de visages De regards aux yeux bien fermés D’animaux humbles et tenaces Qu’elle pétrit avec obstination Avec rage parfois Refoulant sans ostentation De terribles cauchemars Exorcisant le pire quelquefois Du tranchant de la main Dans un silence de plomb Que je ne fondrais Pour rien au monde Puis vient le ressac Et sur l’écume face à moi Flotte une flotte De barques légères De raviers De ramequins De godets De plats courts ou longs Et de toute la quincaillerie De la vie Du vivant
Son corps alors se détend Tout entier pacifique et serein Son visage se redresse Elle me voit Et me sourit
De l’autre côté de la table De tempête en rivage Ma voisine céramique Œuvre comme la mer Ses vagues roulant vers moi Un monde bien ordonné.
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Sous l’auvent de l’abri d’autobus A mon amical regard Elle répondit du fond de sa poussette Par un grand sourire
Son bonnet rose industriel Enfoncé sur son chef Avec sur le revers Une blanche tête de chat Ridicule mais consensuelle Ses moufles pendantes Cousues à ses manches Elle tenait à la main Un hochet assorti
Consciencieuse et aimante Par force mimiques La mère encourageait notre colloque
Nous en restâmes pourtant là Nous étant dit l’essentiel A savoir que je n’étais pas son ennemie Et elle l’avait déjà compris
(Arrêt du 93 Friedland-Haussmann)
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Elle était d’une beauté souveraine Complètement déglinguée Dans ses nippes froissées Le visage las sans fard Le regard tranquille sans malice N’eut été sur son abondante chevelure Un reste négligé de teinture Elle aurait pu poser Pour l’étrusque Vénus
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Ils étaient comme deux oiseaux Donnant la becquée à leur progéniture Dont la survie de loin était loin D’être assurée Chétif garçonnet Et fillette malingre
S’ignorant l’un l’autre Déçus de la brièveté de leur amour Mais faisant face stoïquement A la charge d’âmes qui en avait résulté Ses deux parents tentaient d’y suppléer S’appliquant à l’amble A ne rien aggraver Etonnés tout de même Que la fête se soit sitôt terminée
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Comme on en aurait vu Dépassant d’un péplum Au bas des statues antiques
Elle l’avait retiré d’un mocassin Qu’elle laissait traînant Sur le carrelage noir et blanc Du hall d’entrée de la clinique
Elle suait d’angoisse D’impatience Et de regret S’accrochant à un livre Qu’elle ne tentait même plus de lire Tant l’agitation progressait en elle Donnant des coups de boutoir Dans la maîtrise qu’elle s’efforçait Pourtant De conserver
Elle jetait à l’entour Des coups d’œil terrifiés Tout particulièrement En se tournant vers moi
Je n’y étais pas insensible Loin de là
J’aurais bien eu pitié d’elle N’eut été en ce lieu De souffrance et de peur Mon propre combat Contre la consternation Et la terreur
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Fukushima 2011
Cœur en fusion Les samouraïs Montent au front Les soldats de la Centrale Révulsée Le béton se rétracte Et désarme L’Homme persiste Tenace
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Sobre sans être retiré Elle suait la haine A trois tables à la ronde Accompagnée de ses deux filles Presque déjà grand-mères Et s’appliquant à n’en rien voir Ni en montrer Ou du moins à soigneusement S’en accommoder
Elle commanda une viande Qu’elle réclama bien saignante Confirmant ainsi Mes plus sombres intuitions
Je lui fis un sourire Non par compromission Mais c’était la pause Et dans mon contentement du monde Je devais me préserver
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Au bord de s’écrouler en larmes Comme sortie de l’asile Elle remontait des Abysses
Je la serrai contre moi Lui disant Mon enfant Et après un moment de silence Joyeuses Pâques Suivi d’un inattendu Terme russe Que je traduisis pour elle Comme Résurrection
Deux colombes S’envolaient de nos cœurs
Elle s’était jetée dans mes bras Après avoir salué l’assemblée Qui fêtait son retour Au-delà du détour Bien connu de nous toutes
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Terriblement sombre Comme l’ont non au Sud Ceux du continent voisin Mais de l’autre côté du globe Les premiers habitants Autrefois refoulés Dans ces lieux infertiles
Il ne mendiait pas Installé comme les autres Dans sa misère Ne quémandait Revendiquant Implorant Ou psalmodiait
Tout son corps était animé D’une pétrification muette Momifié avant l’heure Par les déboires et la détresse
Entre deux âges Il les avait tous De l’impatience de l’enfant A la résignation du vieillard Mais ne comprenait pas Pourquoi au milieu des autres Quand tous mangeaient Lui n’avait rien
Il était l’icône de la débâcle humaine Sous l’oriflamme froissée de l’espérance Agitant les bras comme un dernier signal Tentant l’ultime chance De juguler l’engloutissement final
J’y reconnus venu du fond du fond Le lien fondamental Le commencement du code Le partage La liaison relative La relation De la matière vivante A la forme cette fois humaine Là moi Et pour un temps au moins Encore moi-même
Il avait la peau Terriblement sombre Comme l’ont non au Sud Ceux du continent voisin Mais de l’autre côté du globe Les premiers habitants Jetés ça et là au hasard Dans la perte de l’avant Et les affres du temps
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Tirant son rideau La nouvelle voisine me sourit Je ne l’ai jamais vue Elle ne connait de moi Que la loggia de ma cuisine Petit paradis d’art Et de végétation
De l’autre côté de la rue La nouvelle voisine me sourit Je lui souris aussi Je viens d’y installer De grands iris
Ce sont mes fleurs préférées On vient de m’en apporter
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Que par la concentration qu’il mettait A lire le livre Qu’il tenait fermement Mais maladroitement Entre son pouce et son index Les autres doigts de sa même main Engagés dans les anses de ses sacs Pauvres et propagandistes
Appuyé courbé A la barre de l’autobus Debout dans l’allée Il s’efforçait de ne gêner personne Et y parvenait parfaitement
Il portait un blouson informe Et une écharpe délavée En bandoulière derrière son dos Sa sacoche menaçait ruine Comme par pudeur J’allais détourner le regard Il fit une pause dans son ouvrage Et releva la tête Qu’il avait jusque là Gardée inclinée Je vis alors ses yeux Parfaitement dessinés D’un gris translucide Et tenace
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Sous sa veste impeccable Une chemise ouverte Sans cravate Car c’est Samedi Moment de détente Place Saint Sulpice
Elle Cheveux de jais Peau de pêche Vêtue ton sur ton D’un simple haut En pure soie La vraie très naturelle Et d’une jupe sobre De bonne coupe Tombant bien
Assortis l’un à l’autre Exemples du bon goût Ils étaient parfaits
Je les admirai
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Elle était comme un bois flotté Echoué sur la plage Je la tirai sur la côte Mais cela ne servait à rien Elle n’avait plus ni fruits Ni feuillage Son âme avait complètement brûlé Confiscatoire et fœtale Et la vengeance elle-même Etait hors de propos
Elle était comme un bois flotté Cheveux et vêture grise Presque blanche Sans chaleur Ni candeur Portant déjà sur tout son être Le visage comme le corps Les stigmates de la mort
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Dessous le péristyle de la place Foch Face à la pierre noire du pilori Derrière les lourdes colonnes de cylindres entassées L’air résigné Les traits tirés Vieilli Le brocanteur est presque méconnaissable Dans son échoppe surchargée Son stock s’est étoffé Mais tout est toujours bien rangé Calibré Etiqueté Epousseté
Au fil des ans Le brocanteur de la Place Foch S’est tellement encombré Qu’il ne peut plus se retourner Ni retourner Ni moi m’y retrouver Aucun doute Déjà ténu Le lien s’est bien cassé Et tout est consommé
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Anima animus Assis dans l’autobus A côté de leurs bagages Prenant bien garde A ne pas encombrer L’allée centrale Ils étaient parfaitement assortis Pareils et différents Dans l’harmonie sereine Qu’affichent les mariés Qui en ont tant traversé Ayant à tout résisté Et même à l’entropie Ce logiciel à démolir les rêves
Ame et souffle du même monde Anima animus Ils étaient assortis Vieux couple sur le retour Poussant la délicatesse A faire couleur commune Grises leurs chemises De coupes voisines Et un peu plus soutenus Celui de son pantalon à lui Et de son pantalon à elle Camaïeu de couleurs S’étendant même à leurs valises
Seules leurs alliances A leurs gauches annulaires Etaient exactement les mêmes Ternes éclats d’un métal désuet Renvoyant en écho A leurs cheveux d’argent
(Dans le 43 Gare du Nord Bagatelle)
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La forme d’un homme Attrapant l’autobus au vol Ou plutôt non Ne le devant pas même à la bonté De la Régie Autonome Mais à sa rationalité A sa décision d’éviter Coûte que coûte Les frictions Les conflits Les bousculades Les insultes Les injures Les engueulades Les horions Et les bastons Que les conducteurs syndiqués ou non Ne supportaient plus En ouvrant largement les portes A tous les retardataires Et celui-là en avait bien besoin Car dans le 84 de 7 heures 21 Au départ de Champerret Déstabilisé par la violence du virage Il s’affala en travers de son siège Fermant les yeux accablé Semblant dormir Les ouvrant Les refermant Les rouvrant En proie à une difficulté Qui serrait le cœur Sans qu’on sache Si son tourment était physique Et qu’il attendait soulagement D’un remède déjà pris Ou bien l’effroi d’une situation Qu’il jugeait sans issue
Parvenir à son poste Ce matin là encore Requérait toute son attention Qui néanmoins se dérobait Lasse et vaine Comme le véhicule filait Dans le jour levant Sa sacoche elle-même Cherchant à le quitter Comme sa casquette N’y croyait pas non plus N’eut été ses chaussures Choisies larges et confortables Pour pouvoir s’enfiler seules Et son pardessus de qualité Pour servir et durer Son âme aurait planté là Sa carcasse Nous laissant les uns et les autres sidérés
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Dans son long voile de mousseline Ton sur ton Brodé de fils dorés Et de fausses pierreries Que je lisais dans mon planétarium Comme la carte du ciel De la lune des étoiles Et du soleil
Elle était très très noire Et tôt ce matin là Dans le froid Dès huit heures Attendait débout avec moi Au rebord du trottoir
Quand elle monta dans l’autobus Je découvrais médusée Qu’elle portait aussi Du même tissu De la même couleur Avec les mêmes broderies Un long caftan Parfaitement assorti
(Arrêt du 43 Bd Haussmann)
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Vient de fermer boutique Las d’attendre en vain Avenue Niel Les mauvaises nouvelles Retenues avec les bonnes Par les Messagerie de Presse Cette fois encore En grève
Le kiosquier de l’Avenue Niel S’est enfui Loin de la Placette Las de voir Devant le présentoir vide Les clients médusés De tant d’acharnement Au fil du temps
Le kiosquier de l’Avenue Niel A planté là tout le quartier Laissant là sans ménagement Péricliter l’encre et le papier Les titres et les mots croisés Les articles et les chiens écrasés Les tribunes et les publicités Pour s’en aller s’en retourner Comme il me l’avait annoncé Troquer ses choux Avec son boulanger
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Pendant à chaque bras Sur son dos Son sac à main A dos Ballotant sur son dos Les jambes nues Pour économiser les bas Même en Décembre Elle n’en pouvait mais Et fit une pause Ses cabas un moment Posés sur l’asphalte Tirant son mouchoir De son sac Qu’elle remit sur son dos Elle reprit sa marche Sous la marquise De la gare d’autobus Gare du Nord
Nous l’attendions
Elle impavide et résolue Moi réfractaire et absolue
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Fernand Léger l’aurait bien peint Ce grand gaillard à casquette Qui sur sa plateforme métallique Comme sur une piste aux étoiles Surplombant la terrasse Qui de l’autre côté de la rue Tout en haut de l’immeuble Un peu de biais tout de même Se détache dans le soleil levant Souple et mobile Ce beau matin de Septembre Il va et vient Revient et re-va Entre les barres de fer qui rutilent Et s’animent Sous la caresse lascive de l’Astre-Mère S’élevant dans sa gloire pour ma joie Indestructible A cause de tout cela
Accoudé au bastingage De cette carène en plein vol Il hèle en contrebas Ses collègues Manœuvrant habilement Manivelle treuil câble et poulie Comme un jongleur ses cerceaux Et ses balles Au bon milieu du cirque
Depuis ma fenêtre Je vois monter de toutes les couleurs Toutes sortes de matériaux Dont j’ignore Non seulement le nom Et la fonction Mais aussi la matière Bien que j’en ai vu Dans tous les ports du monde
Arrivés à sa hauteur A la portée de sa main Il les détache celui qu’aurait bien peint Le peintre géométrique Et coloriste Utopiste Parfois mélancolique Et pliant et repliant sur elle-même L’épaisse corde qui les avait tenus Un moment ensemble Assemblés Après s’être assuré de la sécurité Il la jette en bas A ses comparses Demeurés eux Au ras du trottoir
Libre enfin elle tombe à la verticale Suivant le cheminement de la gravitation Imparable législation Il tire alors le filin Dont le crochet se détache Noir sur le ciel bleu Se penche et se retourne Se penche encore Short beige maillot kaki Il s’active l’homo sapiens Et peut-être sifflote-t-il Prométhée en pleine action Icare en plein rêve En tous cas vitres fermées Moi je n’entends rien Que le crissement spécifique De l’engin énergétique Je vois ou plutôt je regarde Le manège qui recommence Pragmatique Mécanique Futuriste Montent montent les matériaux ligotés
Il les décroche Se penche à nouveau S’assure de la bonne réception Et recommence la même manœuvre L’épreuve La mise en route de la noria Entre la terre et le ciel Danse sacrée des vivants Devant la bienveillante divinité Il relance le viatique A la mer des humains Qui en bas Se trainent rampent et végètent Aspirant à respirer Espérant être aspirés S’appliquant à s’inspirer Et miracle comme il choit Le cordage menant au firmament L’escalier des songes Le murmure des anges Se déploie et s’élargit Dans toutes les directions Toutes boucles dehors Comme un oiseau Bientôt les ailes ouvertes Avant de chargé des mêmes rouleaux Encore s’élever à nouveau Rustique messager céleste De l’être vivant constructiviste En proie à la pesanteur Anachronique De l’Etant
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Reine de beauté Le teint hâlé parce c’était sa norme Les cheveux teints Parce que c’était la règle Soigneusement habillée D’une veste en cuir fauve Et d’une jupe trop courte Pour cacher de belles jambes Balafrées D’une cicatrice haute Hideuse Et boursouflée Qu’elle cherchait à exhiber Elle traversait l’avenue Tanguant de biais sur ses hauts talons Comme de mon côté Valétudinaire Je m’accrochais au lampadaire Elle vint vers moi A pas prudent et lents Je ne me dérobais pas Comme elle me demanda Comment rejoindre la rue de Courcelles C’était loin et compliqué D’autant plus qu’elle voulait A travers elle atteindre celle de Cardinet
Il fallut en débattre Nous le fîmes conversant Sur les transports et les cheminements Elle finit par me dire Depuis deux mois déjà La mort de sa mère Je lui conseillai alors D’en broder une tenture mémorielle
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Il avait les dents sortant vers le devant Comme nos ancêtres les préhistoriques Avec de ci de là Une couronne en or qui brillait Animant un étrange brasier Sous tendant son sourire Qui dévoilait matriciel Un abîme où plonger Pour se perdre
Le reste de son visage était classique Comme sa mise Eperdument sobre Toile de fond de sa parole Raisonnable et tranquille
Il ne confondait pas son rôle Avec celui des autres Magistrat debout Membre du Parquet Il n’engageait en rien Sa partenaire La Magistrature assise Se défendant des pièges Que dressaient pour lui les médias Auxquelles il s’adressait Et qui le poussaient A d’ores et déjà condamner Avant même avoir enquêté Inculpé et jugé Laissant encore plus à l’écart Dans cette époque de noise De tourment et de confusion La caste politique A laquelle il semblait Tout à fait étranger Se contentant avec obstination De s’acquitter de sa mission A savoir Rendre public Le rapport d’expertise Dévoilant terribles Toutes les causes de l’accident Ni un hasard Ni une malchance Mais une pratique constante De négligence Voire d’incurie
Il avait les dents pointant vers l’extérieur Comme nos ancêtres Les hommes préhistoriques Répondant sans détour Aux questions exhibées Procureur passé maître Dans l’art de ne rien aggraver Se gardant de l’outrance Et de la médiocrité
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La main posée sur son caddy Jaune d’or Entre paille et poussin Du moins tout le sac plastique Ergonomique Ainsi que la poignée solide Et les roues Du moins en leur centre Les enjoliveurs Ou ce qui en tenait lieu Elle-même dans la queue Au guichet du laboratoire Se tenant toute aussi droite Que son engin baillant Encore vide En attente de la corvée ménagère Imposée
Bien droite La main posée sur son caddy Elle était elle-même bien habillée De vêtements bien confectionnés De bon goût Et joliment assortis Autour d’une veste au bord de fourrure Car c’était bientôt presque l’hiver Elle attendait dans la queue Bien rangée gardant son tour La tête inclinée triste à pleurer Implorant les yeux tournés vers le ciel N’en pouvant plus sans doute D’assurer en service commandé De la noria domestique On l’aurait dit pareille Aux antiques chromos Violemment lithographiés Réservés à l’instruction des païens Une édifiante icône de la sainteté
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Il paraissait comme nous Juste en un peu plus crado
Anorak et pantalon sombres fatigués Casquette grise à l’avenant Sur des mèches raides et blanches Un peu folles quand même De rester si longtemps Eloignées des coiffeurs
Seules flambaient neuves Aux pieds du vieux pépé Des baskets beiges Dont les semelles rigides Fleuraient le low-cost Venu d’un très lointain ailleurs
Assis parmi nous Dans l’autobus là en tête de ligne De l’autre côté de l’allée centrale Lui au milieu de nous Nous attendions tous Sagement le même départ De la Régie Autonome des Transports Encore un peu publics Direction Concorde et Solférino Terminus au Panthéon
Il feuilletait un quotidien Que je pris pour Le Parisien Ou Aujourd’hui en France Mais le papier de piètre qualité Retint plus longtemps mon attention Comme la maquette qui décidemment non Ne m’évoquait rien Et pourtant j’en connaissais Des variantes de la même Je persistais néanmoins A déchiffrer le texte
Il était parmi nous L’un des nôtres Juste en un peu plus crado
Je décodai enfin le titre Il était en cyrillique L’ancêtre lisait Viesti Décidemment Le monde avait changé
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D’un léger maillot à bretelles En coton ordinaire Très à l’aise Au fond du canapé Elle était à elle seule La vision insurrectionnelle Du vivant en proie A sa propre gestation
Elle présentait à tous Sa chair dilatée Monstrueuse de sérénité De confiance Et de joie
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Et chemise rose Couronne de cheveux blancs Sur veste de velours Lunettes transparentes Encadrant le regard clair
Au milieu de ses collègues Parce que c’est son tour Le politologue demeure silencieux Cherchant au fond de lui-même Matière à commenter le vide abyssal La conjoncture inouïe La vacance de la raison Du rêve Et du pouvoir
Mais non Bien que chevronné Ou plutôt parce que chevronné Amoureux de l’esthétique Ce dandy romantique En a pourtant vu d’autres Mais là Il reste coi
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Assise en face de moi Elle avait le regard effaré Etonné Angoissé Les cheveux poivre et sel Regardant sa montre Et aussi tout autour d’elle Le trottoir de la ville Les feux et les panneaux Puis dans le haut de l’autobus Touchant presque à son plafond L’itinéraire affiché Si difficile à lire Et encore plus à décrypter Ou décoder Avec ses signes et ses balises Dans le magma touffu Des tracés noirs Plus ou moins Etroits et larges Et même par endroits Très épais
Elle revint à sa montre Et ensuite de nouveau Au paysage du dehors D’un côté et de l’autre Tournant la tête De cristallins En boîte crânienne De globes oculaires En disques cervicaux De colonne vertébrale En nerfs optiques Tournés encore une fois Vers le dedans ou le dehors Et vers sa montre de nouveau S’apaisant Comme enfin nous commençâmes A rouler Heureux du passé simple Laissant derrière lui L’imparfait des soucis
Mais son calme Ne dura pas longtemps Car bientôt son agitation reprit
Dans le 84 Champerret-Panthéon
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Marché des Antiquités
Elle était à l’âge des chagrins Visibles et bruyants S’efforçant seulement De se tenir assise Bien tranquillement Comme il le lui avait demandé Tandis qu’il installait le stand Dont dépendaient leurs vies Commune encore Mais pour combien de temps
Contorsionné Plié en deux Il fouillait dans ses caisses Dont il tirait un par un Des objets à exposer Bottant en touche Comme savent si bien le faire Les chasseurs habiles Lorsqu’ils découvrent Que la proie qu’ils croient leur Se rebiffe Demande des comptes Et annonce la venue D’un tout autre temps
Elle était à l’âge des chagrins Visibles et bruyants Tournant vers lui la tête Quêtant de l’attention Du réconfort Ou du moins une bonne parole Pour apaiser sa douleur
Mais non rien ne vint C’était l’ouverture du Salon Où ils s’étaient engagés pour une place Et simple scène Ou commencement de rupture Au sein de ce chant choral Il fallait bien que l’aria continue
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Le Marché de la Céramique 2016
Mal à l’aise sur la terre ferme La peau burinée Les cheveux secs en bataille Il était comme un navigateur solitaire Le regard perdu sur la ligne d’horizon Sans craindre pourtant Comme l’équipage de Magellan Que l’eau tombe au-delà Ni que ses vaisseaux fondent En traversant l’Equateur
Au fond de l’éventaire Fourni par l’organisateur Ce potier là numéro six cents deux Donnait à voir ses œuvres Coupes coupelles Plats jattes ou compotiers Sortis droit de sa résolution Et de son four De sa pugnacité aussi Au sein de laquelle s’abritait tranquille D’ocre au brun un camaïeu De poissons vernissés Savamment dessinés Seigneurs résolus Flottant aimables et pacifiques Sous une couverte d’herbes et d’algues Précieusement observées
Le céramiste exposait ainsi Urbi et orbi ses productions aquatiques Et aussi dans le fond de sa cambuse La six cents deux au milieu de bien d’autres Quelques contenants habités cette fois De volatiles aux plumes effarouchées Perdus dans les tons bleus Sombres et pathétiques
On voyait bien que le maître d’œuvre Etait là moins familier De ceux d’en haut Que de ceux d’en bas Sans doute parce qu’eux-mêmes Nous fréquentant trop Ou du moins Ne cessant du haut des arbres De sans gêne nous observer Etaient devenus presque domestiques Excitant moins du coup Cet amant des lointains Et de la liberté aux ailes de nageoires Toutes de reflets et de transparence
Je le rencontrais de temps à autre en Juin Au rendez-vous saint-sulpicien Pourvoyeur inlassable De ma quête d’art et d’essai Fut-elle cette fois celle d’une vaisselle propre A masquer le cauchemar de la dévoration Pourtant nécessaire à la vie Ce grand malentendu
Ma préférence allait à ses vases monstrueux Pas plus de trois ou quatre Vue l’étroitesse des lieux Tous plus oblongs Ventrus et parfaits Les uns que les autres Et dont je comprenais trop bien A leur monstration Qu’ils donnaient à voir Plus aquatique que terrestre L’étrangeté de notre globe Bien plus rêverie que territoire terrien
Et surtout à cet homo habilis S’efforçant de devenir et de se maintenir faber Mal à l’aise sur la terre ferme La peau burinée Les cheveux secs en bataille Comme un navigateur solitaire Emporté par la force du courant Et de l’air et de l’eau Il fallait bien toutes les céramiques du monde Celles du sien bien sûr Mais celles du notre aussi Pour être l’étroite et lourde passerelle Toute de glaise et de fau Le lien solide le rattachant à la Terre Qu’il était si fortement Et tout le temps Tenté de quitter
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Et trop petite Elle portait une longue robe Turquoise et brodée Qui par la fente pratiquée Pour faciliter la marche Laissait voir sur un pantalon noir Très serré Des jupons bariolés
Sur sa tête En lamé Un foulard scintillait Recouvert d’un châle en laine Pour épargner le froid
Elle était accompagnée D’un homme plus âgé qu’elle Et plus petit En veston et pantalon Sa calotte rigide et soyeuse Sur son chef dégarni Blanche Se souvenait des Balkans
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S’il avait été ténor à l’Opéra On aurait trouvait normal Les dures manchettes larges et longues De sa chemise blanche S’étonnant toutefois alors De l’absence d’un jabot en dentelle Son pantalon noir En soie naturelle et ou sauvage Recouvrant des chaussures à l’avenant Avec des bouts effilés de la même couleur Au-delà de toute mesure Ses cheveux poivre et sel un peu gras Sagement peignés Tombant sur sa nuque
Il avait sur les genoux Des têtes de mort fluorescentes Imprimées sur un cartable De format prévu pour les ordinateurs Avec de surcroît un peu de place Pour un linge de rechange
En un mot il était ridicule
Mais comme m’apprêtant A descendre de l’autobus Dans lequel depuis un moment Ensemble nous roulions Debout près de la porte Je surplombais sa tête Je vis avec effroi Un appareil au fond de son oreille Et une minerve entourant son cou
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Mais elle n’y croyait guère Accélérant sa marche Autant qu’elle le pouvait Sans pour autant Se mettre à courir Car grasse et lascive Encombrée de surcroît Elle était dépitée D’avoir raté l’autobus Qui au-delà de son arrêt N’était pourtant plus très loin Retenu par le feu encore rouge Pour un petit moment Au rebord du trottoir Qu’elle parvint Par son effort Par finir à atteindre
Elle tourna alors vers le chauffeur Sa face naïve Radieuse et suppliante En appelant pour l’ouverture Du Saint des Saints A sa toute particulière générosité Dans une position Voire une posture tout à fait codifiée Celle de l’universel et muet langage De l’antique statuaire
Un bruit pneumatique Signala l’ouverture du tabernacle Des transports de surface C’était la consigne de la Régie Pour éviter d’aggraver trop nombreux Les incidents
Elle monta triomphante Se confondant en remerciements
Rue de Courcelles
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Au lieu-dit Le pas de la mort Vers Menton En venant de Vintimille Par la montagne Par le sentier Entre deux abîmes escarpés Menacés d’y chuter Nombreux A la queue leu leu Dans la nuit obscure Prenant bien garde D’éviter les gardes Les immigrants sortis de la mer S’enfonçant dans les terres Font route à pied Vers l’Eldorado
27 Septembre 2016
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Botoxée jusqu’à la moelle Les lèvres trop rouges Entrouvertes sur de fausses dents Elle était incontestablement Dans l’air du temps Abondant Sagement A tout ce que disait L’animateur de l’écran
Je ne la reconnus qu’à sa voix Je l’avais vue pourtant Quelques saisons auparavant Et je l’aimais Assurément
Août 2017
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Pour être à la hauteur De la patiente Dont il vient s’occuper Courtois et distingué L’infirmier Met un genou à terre Devant son hôtesse Assise sur sa chaise Pour planter Dans son ventre Déjà bien tuméfié La seringue moderne Préparé par le laboratoire Technique et concerné
L’archer tirant sa flèche Vers le soleil N’aurait pas plus de prestance De gloire Et de rayonnement
Automne 2018
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Elle suait la méchanceté Voire même la haine La chevelure teinte d’un noir Défiant tous les secours Et les recours Que pouvaient encore offrir A la rupture du texte La métaphore du jais Ou celle du corbeau
Tendue à tout rompre Dans sa petite jupe Tout aussi noire Les traits tirés A côté de moi Elle attendait l’autobus A l’abri de son perfecto blanc A la jonction de l’avenue de Messine Et du boulevard Haussmann
Tentant encore une fois D’enjoliver le monde Ou du moins d’en tamiser l’horreur Je lui fis un sourire Auquel elle ne répondit pas.
Automne 2018
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A la sortie du métro Au pied d’un platane Sous un parapluie terriblement rouge Faisant cette fois là fonction d’ombrelle Derrière son éventaire Stable mais néanmoins précaire Couvert d’un plastique Tout aussi rouge Affichant bien lisible Pour le promouvoir Le logo publicitaire Dans sa casaque bleu marine Gilet assorti Sous sa casquette standard Désormais couvre-chef mondialisé Le vendeur de journaux Sert la clientèle Souriant gentiment Il s’aide de sa tablette Car il ne sait pas compter Et ne parle pas Français
Automne 2018
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Il avait les yeux en amande Effilés Comme on en voit Sur les images-médecines de l’Ethiopie Ou sur les gouaches artisanales Rapportés par les voyageurs Lorsqu’ils sont amateurs
Il avait le visage oblong De ceux de l’Ouest de ce continent Mais la peau tellement plus noire Qu’on ne pouvait pas les confondre
Il manipulait l’engin Près à partager toutes les affres De la matière humaine Celle en proie à la Grande Machinerie De l’imagerie médicale Perforant les corps Pour les rendre transparents Et cette fois répandue là Dans une alvéole pratiquée exprès A leur format Le sourire aux lèvres Etonné de mes plaisanteries Comme d’un cadeau inespéré De la dureté du Monde A la dureté du Temps
De son côté concentré Il mêlait consolation Explication Exhortation Et injonctions Prenant à bras le corps Chacune des particularités Surgissant de la vie en mouvement
Plus moderne encore que la modernité Il en était l’application parfaite L’incarnation de l’Art L’adjoint d’Esculape Qu’il assistait avec conscience Et compétence Se contentant à tout moment De défier Anubis Le chacal En combat singulier
Automne 2018
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Le père En bras de chemise Blanche Tolérée Parce que c’est l’été Et que la chaleur est étouffante Le visage serein Mais le pas pressé Parce qu’à l’acmé de sa vie Il n’a tout de même pas Que cela à faire Pour que cela ne soit pas aussi La fin de sa carrière
A ses côtés Entre crainte et contentement Sa fille adolescente Son sac à dos serré contre elle Pour ne pas le perdre Allongeant la foulée Pour coller à l’allure paternelle
C’est la rentrée scolaire Et son nouveau collège Est encore un peu loin Mais cela ne fait rien Car accompagnée par son père Le matin de ce jour Est radieux
Automne 2018
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Est cette fois là La bonté même Vieux loup de mer Sous sa veste bleu marine Il est revenu de bien des embruns
On sonne
Il arrive Console Et réconforte Poussant la bienveillance Avant d’éteindre la lumière Jusqu’à dire Vous avez bien fait d’appeler
L’aide-soignant de nuit Celui là Est la vie même
Automne 2018
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Elle avait été belle et fantasque Belle elle l’était toujours Et fantasque plus que jamais Comme toutes les censures Avaient finalement lâché prise Lasses avec l’âge De tenter d’enrayer L’irrécouvrable
Elle avait du temps de sa gloire Gardé le goût de l’habit De l’habillement Du vêtement De la vêture De la posture Et pour tout dire Elle avait encore Une sacrée allure
Son chapeau cloche Un peu trop petit A la limite du ridicule Et ses bottillons noirs Brodés d’éclats De faux diamants Témoignaient qu’elle ne renoncerait Jamais Ni à son élégance Ni à sa majesté Et même surtout pas Dans ce couloir là Inhospitalier Dans les bas fonds de l’hôpital Où elle avait ce matin là Comme les autres Eté convoquée
Elle se donnait en spectacle Aux autres malades Qui comme elle Patientaient Partageant la même misère Tolérants et résignés Dans l’attente parfois lointaine Qu’enfin leur tour à eux Advienne
Elle était accompagnée D’un brave type Son époux sans doute Qui l’assistait de son mieux Compréhensif Prévenant Amoureux Persistant à voir en elle La déesse de leurs jours heureux Au mépris de la réalité Et il était bien clair Que c’était pour la satisfaction De tous les deux Que même dans ces tréfonds Lugubres et pathétiques Elle le menait par le bout du nez (2019)
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Pourpre ou lie de vin Peut –être même cramoisi Au dessus de ses bas Noirs et épais J’hésitais à qualifier Exactement Le rouge de sa tenue Parfaitement coordonnée Depuis sa longue robe Lui battant les chevilles Jusqu’à son voile Lui enserrant la tête Et le poitrail
Elle gardait le regard Obstinément fixé Sur la tablette qu’elle tenait Dans sa main refermée Et crispée Prenant bien garde A ne laisser échapper Aucun signe Qui aurait donné à penser Qu’avec elle On pouvait échanger Quoi que ce soit
Elle rejetait Tout ce qu’il y avait à la ronde L’hôpital Les perfusions Les soignants Les soignés Les soins Et tout l’attirail métallique Baroque et technique
Pas tout à fait pourtant Car chambre quatre cents douze Au quatrième étage du bâtiment Assise en face d’elle Dans un fauteuil profond En tous points au sien pareil Car revêtu du même plastique Bleuâtre et grisonnant Recouvert par hygiène D’un papier déroulé Facile à jeter Entre protocole d’essai Et stridulation électronique J’avais quand même Sur ses lèvres obstinément fermées Réussi à faire naître Un sourire
(2019)
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Sur le terre plein devant l’église Aux tours totalement asymétriques Les deux minots couraient côte à côte Lui l’aîné haut comme trois pommes Et sa petite sœur A peine comme deux
Bien chaussés de solides sandales Gracieusement habillés La blondeur vénitienne de leurs cheveux Soigneusement ordonnée Leurs peaux de porcelaine Presque translucides Reflétant leur joie éclatante D’être au monde Qui enfin sans limite S’ouvrait devant eux Découvrant au pas de course L’urgence de saisir cette possibilité inouïe De liberté Ravis d’en avoir saisi l’opportunité Ils riaient tous les deux A gorges déployées
Derrière ces deux petits drôles Apparemment en fuite Leur mère s’efforçait De les rattraper Gênée par sa propre tenue Et la foule se pressant compacte Dans les allées De Saint Germain des Prés Toutes pleines au Centre Ville De risques et de dangers
C’est alors que les voyant venir Me baissant pour être à leur hauteur J’étendis les bras Opposant aux deux fugitifs Un obstacle conséquent Tout en proférant Mandatée par la collectivité La sentence biologique Juridique Et sociale Les protégeant d’un seul coup De tous les impedimenta On s’arrête là !
Ils furent dans leur élan Stoppés net
Soulagée Leur mère me remercia (2019)
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Repliant la persienne Aperçu ensuite De l’autre côté De l’étroitesse de la voie Juste en face de chez moi Un morceau de son tee shirt noir Devant le battant ouvert De sa fenêtre à petits carreaux Au premier étage De l’immeuble en pierre de taille Décor monumental Du théâtre de la rue
De cet homme je ne sais rien Ou presque Sauf de chez lui Au travers du voilage La luminescence Toute la nuit De l’écran de surveillance électronique De sa boutique En dessous de son logis
Car c’est au rez de chaussée De son échoppe Ouvrant à même l’asphalte du trottoir Qu’on lui apporte les tableaux à négocier
Il est courtier en œuvres d’Art (2020)
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Il avait en popeline écossaise Une chemise neuve De très bon goût Qu’il arborait tout fier D’être si distingué S’étant tout de même permis D’en ouvrir le col Chez les hommes Le premier signe de l’abandon
Je vis alors son torse étroit Que je ne soupçonnais pas Lorsqu’il portait Son habituelle blouse blanche Hospitalière Qu’en retard cette fois là Il n’avait pas encore enfilée
Mais comme la canicule menaçait Il avait également remonté ses manches En en retournant les poignets
Je vis alors ses avant-bras Ceux entre lesquels il me saisissait Lorsqu’il me relevait du lit Après l’auscultation (2020)
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Sur son pantalon en toile Denim Passablement rapée Prince de Galles Son veston était si crasseux Et froissé Qu’on pouvait se demander Où il l’avait ramassé
Il se tenait debout Dans la queue de l’attente médicale Auprès d’une femme invalide Qu’il semblait accompagner
Quant à elle Avec ses rares cheveux Hirsutes et décolorés On aurait dit Brutalement réveillé En plein jour Un oiseau de nuit
Force était de constater Que dans cet univers aseptisé Ces deux là Immobiles et silencieux Formaient un couple harmonieux (2020) |
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Et moi pour conforter sa mise en scène Je tentais de déchiffrer Le titre inscrit Sur la couverture de l’ouvrage Qu’il tenait entre ses doigts
Vêtu d’un sweater à rayures Aux larges bandes grises et blanches Ainsi que d’un pantalon beige ordinaire Avec ses lunettes de chercheur Au dessus d’une barbe de bon aloi Il avait une allure passe partout Qui n’attirait pas particulièrement l’attention
Seuls juraient avec l’ensemble de sa tenue En cuir épais Ses godillots noirs de trappeur Prêts à affronter l’Alaska
Il me jetait des regards obliques Trahissant une angoisse Qui n’avait rien d’exceptionnelle Dans cette salle d’attente hospitalière Réceptacle des bonnes Ainsi que des mauvaises nouvelles Et où ne convenaient vraiment Que la sobriété Voire même l’impassibilité
En attendant son tour Nul n’en menait large Ni lui Ni moi Ni aucun de nous autres Chacun s’appliquant de son mieux A avoir l’air d’être ailleurs
Il y serait peut être parvenu Si le titre du livre qu’il avait dans les mains N’avait été « Penser l’humain »
(Eté 2020) |
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Comme j’étais assise dans le grand fauteuil De la chambre quatre cents onze Elle s’approcha de moi Les yeux aigue marine Au dessus de son masque bleu azur Me demandant Comme si j’étais un bibelot fragile Si j’acceptais que ce soit elle L’élève infirmière Qui me perfusât
J’accompagnais mon acquiescement De mon habituel discours Sur la nécessaire relève des générations
Sous le contrôle de son aînée Avec elle penchée sur l’accoudoir Au dessus de mon bras Offert et détendu Avec précaution Elle enfonça l’aiguille dans la veine Me demandant inquiète Si elle me faisait mal
Veillant bien à l’encourager Je répondis un non ferme et définitif
Et en plus c’était vrai
JH 18.9.20 |
Il était resté à l'hôpital Debout dans le couloir Tout le temps qu'avait duré l'intervention Des heures m'avait il semblé Comme moi même en relevant J'avais pu depuis mon lit l'observer Presqu'immobile Devant la porte de la chambre voisine Ne faisant pas les cent pas Tout au plus un ou deux Dans un sens et dans l'autre Comme un vigile en faction Un parent en service commandé Voire même un chien fidèle et bien élevé En tous cas quelqu'un Qu'il n'était pas malséant de voir là Sans qu'il ait pour autant osé S'avancer plus avant dans les lieux Ne s'y sentant sans doute Pas tout à fait autorisé Ou alors était ce pour mieux guetter et surveiller D'un côté et de l'autre
Il ne manifestait aucune impatience Mais une tranquille résolution Faite de stoïcisme Et d'infini respect Comme si le prix à payer Ne pouvait être que celui là Et sans doute l'était il
Je le regardais par la porte ouverte Admirant sa constance Mais m'interrogeant sur son étrange posture De granit ou de marbre Digne des Antiques Qu'on voit dressées Dans les corridors des musées
Le mystère s'éclaircit Comme un brancardier Ramena au pas de course Dans un lit à roulettes Qu'il poussait devant lui L'objet unique de cette attente sacrée Une belle alanguie remontant des Enfers Suffisamment réveillée Pour manifester sa joie D'être ainsi accueillie Son bras nu hors du drap Pendant au dessus du charroi Et comme l'auxiliaire médical Habile à ce genre d'exercice Pivotant d'un seul coup son chariot Le fit entrer dans la pièce A laquelle il était destiné La main de l'homme qui l'avait tant attendu Caressa au passage De tout son long La chair rescapée Qui débordait du montant métallique
La belle saisit alors la rive du vivant Et retint la main qui venait de l'effleurer Pour y déposer Amour et allégeance Un baiser
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Mise à jour : fevrier 2021